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Ilya Kabakov et la Galerie Dina Vierny

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L’artiste d’origine russe Ilya Kabakov s’est récemment éteint, le 27 mai 2023, à l’âge de 89 ans. Soutenu depuis les années 70 par Dina Vierny, nous revenons ici sur son histoire et ses liens avec la galerie.

Kabakov naît en 1933 à Dniepropetrovsk en Union Soviétique (actuelle Ukraine). Il étudie les arts graphiques à l’Institut Sourikov de Moscou dès 1951 et en sort diplômé six ans plus tard. Le climat politique empêche l’artiste de présenter ses œuvres au public, car il s’agit d’un privilège dont seul seuls les membres de l’Union des Artistes Soviétiques bénéficient.

Il accède néanmoins au statut de « candidat membre » de l’Union des Artistes Soviétiques en 1959, ce qui lui permet d’obtenir un atelier, un salaire convenable et un travail en tant qu’illustrateur de livres pour enfants. L’année 1965 marque un tournant : il expose pour la première fois à l’étranger, en Italie, où il présente sa Série des douches, interprétée comme une critique de la culture soviétique. Dès lors, il n’a plus le droit d’exercer et travaille par la suite sous pseudonyme.

Kabakov cherche dans ses œuvres à restituer au monde son expérience de la vie en Union Soviétique. Il tente, par des moyens très divers – albums, tableaux, installations – de raconter une histoire : celle d’une société qui aurait perdu toute notion de réel. Après avoir travaillé sur des séries de peintures grands formats, l’artiste y intègre peu à peu des textes, qui viennent enrichir le sens de l’œuvre avant de se substituer à celle-ci. De par leur caractère conceptuel, les propos dénoncent une société russe dénuée de toute logique, et dialoguent directement avec le regardeur qui se trouve décontenancé et concerné.

Même s’Ilya Kabakov n’expose que très peu à Moscou, certains de ses dessins réussissent à dépasser les frontières et lui permettent d’acquérir une certaine notoriété à l’international dès les années 1970. Dina Vierny découvre son travail au tout début de l’année 1970 et commence tout de suite sa promotion. Ils se rencontrent lors d’un voyage de la galeriste en Russie, voyage crucial où elle décide d’aider et de soutenir les artistes ne se pliant pas à la discipline plastique imposée par le réalisme socialiste. Elle écrit plus tard : « J’ai rencontré Ilya Kabakov à Moscou le soir du 16 janvier 1970. Dès notre première rencontre, j’ai compris que cet artiste, méconnu à Moscou et interdit d’être exposé, était un des peintres les plus originaux de sa génération. Je me suis vivement intéressée à son œuvre. Après 27 ans je m’y intéresse encore ».

Dès leur rencontre, elle encourage Kabakov à quitter l’Union soviétique pour accéder à la reconnaissance qu’il mérite. Pour participer à cela, elle achète une grande quantité de ses œuvres et s’engage à le faire connaitre à Paris.

Dina Vierny rentre donc de ce fameux voyage les valises pleines d’œuvres d’Ilya Kabakov, Erik Boulatov, Vladimir Yankilevsky et Oscar Rabin. Elle les expose tous quatre dans sa galerie de Saint-Germain-des-Prés dans l’exposition évènement « Avant-garde Russe – Moscou 1973 » qui dû rester ouverte six mois face à l’engouement public.

En 1985, Dina organise la toute première exposition monographique d’Ilya Kabakov avec des œuvres sorties clandestinement. L’artiste quitte définitivement la Russie en 1987 et Dina Vierny continue de jouer son rôle de mécène, car en plus de d’acheter, présenter et vendre ses œuvres, elle lui construit un atelier dans sa résidence secondaire près de Rambouillet, où il crée certaines de ses plus fameuses installations, telles que le Wagon rouge ou Dans la cuisine communautaire (cette dernière installation est encore conservée à la Fondation Dina Vierny – Musée Maillol). Des versions réduites de l’installation sont également présentées à la galerie en 1993 puis lors d’une FIAC. Dina Vierny fait aussi voyager l’installation sur un autre continent en organisant une exposition au musée Seibu au Japon.

Kabakov s’envole pour New York en 1992, où son marchand Ronald Feldman présente. Une suite de dix installations, Les Dix personnages, dont  L’homme qui s’est envolé dans l’espace qui fut acquise quelques années plus tard par le Centre Pompidou.

Dès 1993, il développe avec sa femme Emilia des installations de plus en plus complexes, célébrées à travers le monde. À la Monumenta de 2014, au Grand Palais, ils construisent la ville utopique L’Étrange cité, réflexion globale sur notre manière de penser l’art, la culture, la vie quotidienne, notre présent et notre futur.

Kabakov connut de son vivant un vif succès, et exposa dans les plus grands musées et dans les plus grandes manifestations du monde, tels que le Museum of Modern Art de New York (1991), le Centre Pompidou (1996), la Biennale de Venise (1993), la Biennale du Whitney (1997), le Garage Museum de Moscou (2008) ou encore la Tate Modern (2018).

Photographie d’Ilya Kabakov dans son atelier, extraite du catalogue d’exposition Avant Garde Russe Moscou 73 à la Galerie Dina Vierny en 1973

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